IN BETWEEN – CBS TEL AVIV
Reinbold Charlotte
Shecter Ortal
Wallner Vinzent
Le projet effectué ce semestre fut au sujet de la
« nouvelle centrale bus station de Tel-Aviv », de Ram Karmi. Le
bâtiment étant d’une grandeur considérable, et ayant un impact important sur les quartiers alentours,
il s’agissait d’en « faire le tour » et d’essayer de le comprendre.
Mais aussi savoir comment, dans le futur, des architectes ou autres acteurs
pourraient agir dessus, si les bus venaient à déserter de ce bâtiment.
Durant
les vingt-quatre heures de dérive dans ce quartier et ce bâtiment précis, nous
avons donc arpenté les rues avoisinantes, ainsi que les différents espaces de
la CBS elle-même, pour y découvrir un phénomène très courant :
l’architecture spontanée. Cette architecture se définit comme l’intervention de
personnes non-architectes, exprimant un besoin de logement dont ils vont
répondre d’eux-mêmes, par des techniques simples et à leur échelle. Il s’agit
souvent de s’approprier une partie de l’espace public : extérieure, comme
une rue ou un parc, ou intérieure, concernant l’énorme espace de la centrale de
bus. Les acteurs de cette architecture spontanée ou illégale privatisent une
partie de l’espace public.
Ce phénomène très courant s’est
avéré plus présent dans l’espace public extérieur, dans les quartiers
avoisinants la station, que dans le bâtiment lui-même. En effet la CBS, malgré
son statut très ouvert et public reste sous un contrôle privé, celui de la
compagnie gérant le bâtiment.
Nous
nous sommes donc posé deux questions :
Pourquoi
les gens choisissent-ils tel endroit spécifique pour s’installer ? Car
l’espace public est vaste et regorge de possibilités.
Quels
matériaux utilisent-ils pour subvenir à leur besoin de logement, d’installation
éphémère ou plus durable ?
Il
s’est avéré que les endroits les plus familiers à cette architecture spontanée
étaient les espaces mi-clos, à l’écart, protégés du passage ou des forces de la
nature (eau, vent,…).
De
plus, les matériaux utilisés sont souvent des éléments architecturaux simples,
ou même de la vie quotidienne, faciles à trouver dans les environs.
Cet intérêt pour l’architecture spontanée, amenant les questions
posées précédemment, nous a guidé durant tout le semestre. Le sujet de ce
projet se tournant vers la station de bus, nous nous demandions comment pouvait
avoir lieu ce phénomène architectural au sein même du bâtiment de la CBS ?
Le
studio nous invitant à développer notre réflexion à la manière d’un triptyque,
nous avons travaillé sur trois projets : le mauvais, le bon, et celui qui
va au-delà.
Le premier projet, le
« mauvais ».
La difficulté du triptyque fut de définir clairement ce qui
est bon ou mauvais. Après de nombreuses réflexions, nous avons choisit une
première approche plus large que le bien ou le mal, car en effet ces états
dépendent du point de vue.
Nous nous sommes donc intéressés à des projets d’échelle
humaine dans la CBS. En effet, l’architecture spontanée étant le résultat de
l’action d’un particulier, elle se traduit par des modifications à l’échelle
humaine, facilement réalisables par tous, sans demander l’intervention de gros
engins de travaux, de destructions ou d’apports de murs en béton … Le projet se
concentrait sur quatre espaces de la centrale de bus, espaces très réduits par
rapport à la taille du bâtiment. Il s’agissait de développer pour chacune de
ses situations plusieurs scénarios variés mettant en scène différents
propriétaires, acteurs des lieux, etc.. Nous ne définissions pas quels étaient
les bons et les mauvais scénarios dans le panel des propositions (car encore
une fois, tout dépendait du point de vue), mais nous les comparions et les
examinions justement en fonction de ces points de vue. Finalement, pour définir
lequel était le pire, nous prenions la position de la CBS elle-même, en regard
des actions faite dans son bâtiment, à son insu.
Nous avons par exemple étudié la partie sud de la CBS, au
niveau de la rue, c’est-à-dire au sol niveau 4 du bâtiment. Cette partie est
actuellement un cul-de-sac puisque la porte menant sur la rue est close. Cet
espace est donc peu utilisé, les boutiques de ce couloir sont vides.
Différents
projets ont été développés, essayant de redynamiser, d’offrir une nouvelle vie
à cette partie. L’espace, une fois clos et vendu à un privé pourrait devenir
une crèche, une école, ou encore une zone de logement. Il deviendrait même
possiblement indépendant du fonctionnement de la CBS puisqu’il se place à une
extrémité du bâtiment et à donc des accès directs sur l’extérieur. Les
différents scénarios proposés cherchent à comprendre les interactions possibles
entre les acteurs des espaces, les espaces eux-même…
Pour
cette situation, avec le regard de la centrale du bus, le pire des scénarios
serait de condamner cet espace inutile à l’heure actuelle, en le fermant à son
extrémité. Mais il serait alors investi par de nombreux squatteurs. En effet
ceci est déjà le cas derrière des escalators ou autres espaces condamnés, ce
qui nous permet de supposer la même histoire à échelle plus grande. Cette
intervention d’échelle humaine est très simple : une tôle ou autre panneau
de travaux pour condamner l’espace, qui
devient du coup facilement accessible par les squatteurs, ce qui est déplaisant
pour la compagnie qui dirige le bâtiment.
Toutes ces études de scénarios
furent des interventions très simples, travaillant sur l’espace architectural
aussi bien que sur les conséquences humaines de ces travaux. C’est donc pour
cela que l’outil principal de représentation du projet (aussi bien le mauvais
que le bon,… ) est le collage, montrant
à la fois les modifications de constructions que les conséquences hypothétiques
qui en découlent.
Le second projet, le « bon ».
Le second projet s’intéresse toujours à l’architecture
éphémère. Mais contrairement au premier projet, où la CBS voyait d’un mauvais
œil l’installation des squatteurs, l’idée était d’offrir ce bâtiment aux
squatteurs, après la disparition des bus dans les environs.
Ce
geste deviendrait donc bénéfique pour les squatteurs des quartiers avoisinants,
qui auraient alors un toit pour s’installer. Cette idée bénéficie autan aux
futurs habitants de la CBS que ceux des quartiers autour. En effet, les
squatteurs ayant un bâtiment immense à leur disposition, s’installeraient plus
tôt ici que dans l’espace public extérieur. Ce projet voulait continuer l’idée
d’incertitude de ce qui est bien et mal, en proposant le même sujet : des
squatteurs dans la CBS, en changeant le point de vue.
Cette fois-ci, l’idée est plus radicale :
le bâtiment est totalement abandonné par la compagnie de bus, et totalement
laissée libre d’accès pour les personnes ayant besoin d’un logement, d’un
espace pour vivre. Tout ce projet fut représenté par collages, puisqu’il s’agit
de spéculations sur un futur hypothétique du bâtiment. Ces collages sont
inspirés des quartiers autour de la centrale de bus, comme le quartier de la
rue Neve Shanan, qui propose déjà un bon nombre d’architectures informelles. Dans
le cas où les bus quitteraient ce bâtiment, toutes les situations
d’architecture spontanée, que l’on avait trouvé dans le quartier pendant la
dérive, se proliféreraient dans le bâtiment même. Il ne s’agit pas d’implanter
une association ou une ONG qui régirait l’installation de ces personnes. Au
contraire, chacun serait libre de vivre où il veut dans le bâtiment, en
construisant une maison de fortune de la manière qu’il lui plait.
Nous
avons voulu nous-même essayer cette technique d’installation, dans un endroit
reculé de la CBS, avec les moyens qui se présentaient à nous :
c’est-à-dire le matériel que l’on pouvait trouvé dans les couloirs de la CBS.
En effet, lorsque des personnes viennent s’installer de manière informelle, c’est
qu’ils ont besoin d’un logement, manque d’argent et de moyens. Une fois que le
lieu est trouvé : ici le bâtiment de la centrale de bus, ils composent
avec les matériaux facilement trouvables et
transportables à mains nues. Il ne s’agit pas de venir construire des
maisons à l’aide de bulldozers, de grues et de béton.
Le dernier projet,
« au-delà ».
Cette réflexion nous amène donc au troisième projet,
au-delà de ce que nous avons développé précédemment. Etant donné que le projet
d’abandonner la CBS aux squatteurs n’implique aucune intervention
architecturale, nous nous sommes demandé :
Comment,
en tant qu’architectes, pouvons-nous intervenir dans ce processus, comment
pouvons-nous aider les squatteurs, sans pour autant les forcer ? Car nous
attachions une importance capitale au caractère informel, spontané de cette
architecture qui nécessite l’absence d’un commandement supérieur.
Pour cela le projet se divise en
deux étapes :
Définir
les besoins capitaux et primaires nécessaires à la vie.
Comprendre
et retranscrire les besoins matériels nécessaires à l’installation.
Dans un premier temps, il fallait de
l’eau : un réseau d’eau propre et un d’eau sale (toilettes), mais aussi de
la lumière et de l’air. Le bâtiment de la CBS étant très large, nous avons
favorisé les façades, plus aptes à recevoir la lumière et l’air. Restait le
problème des réseaux d’eau. En effet, le bâtiment, bien qu’immense, n’est pas
suffisamment assuré en besoins sanitaires. Répertorier les réseaux nous a
permis de situer les espaces les mieux desservis par des toilettes et un réseau
d’eau propre. Il nous a aussi permis de voir comment, en prolongeant de manière
verticale ou horizontale les réseaux existants, nous pouvions facilement
augmenter le nombre de toilettes.
Une
fois ces différents éléments cartographiés, nous avons pu repérer plus
précisément les zones d’installations idéales pour les suggérer aux squatteurs.
Ainsi, dans un second temps, le
projet consistait à répertorier les
différents éléments de construction possibles à l’installation des squatteurs.
Ces matériaux furent trouvés dans le quartier, où est déjà présente cette
architecture informelle. De nombreux éléments constructifs sont en effet
détournés de leur but premier pour servir à des constructions de fortune. Des
portes par exemple, seront utilisées de manière horizontales comme des barrières
ou des murs, ou des journaux seront collés aux vitres pour donner plus
d’intimité à l’intérieur d’un espace. Toute cette analyse, retranscrite en
catalogue répertoriant les matériaux, permet aux futurs squatteurs de
comprendre l’étendu des possibilités constructives, avec de simples moyens.
Ce dernier projet va donc au-delà du
« bon », puisqu’il garde l’idée principale qui est de donner le
bâtiment de la centrale de bus aux squatteurs, mais en guidant leur
installation. Néanmoins, nous avons toujours voulu garder cette liberté qui définit
l’architecture spontanée en ne donnant que des pistes aux futurs habitants, qui
restent libres de s’installer où et comme ils veulent, puisqu’il n’y aucune
intervention architecturale déterminante de notre part. Ce projet est une
suggestion à l’égard des squatteurs, qui sont les principaux acteurs du futur
de ce bâtiment.
אין תגובות:
הוסף רשומת תגובה